Strade Bianche : Chutes, chaos et exploits – L’enfer blanc des guerriers du vélo


Le long des chemins de terre toscans, Riley Sheehan était assis sur le bas-côté, hébété. Son casque brisé gisait à ses pieds, tandis que son visage et sa chevelure blonde étaient couverts d’un voile de poussière blanche. En moins de dix minutes, l’Américain venait de subir sa deuxième chute de la journée.

Il avait survécu de justesse à la première, un carambolage massif dans un virage, qui avait contraint son coéquipier Krists Neilands à quitter la course en ambulance, le bras brisé. Mais cette fois-ci, lorsqu’une voiture suiveuse d’une autre équipe s’était déportée devant lui, Sheehan n’avait pu éviter l’impact. Son Strade Bianche s’achevait brutalement sur une commotion légère et quelques égratignures, tandis que la course se poursuivait sans lui.

Sur le chemin du retour, encore sous le choc, il confiait :
"Quand ça t’arrive, tu te dis que c’est fini. Ce genre de course, où tant de choses échappent à ton contrôle, tu ne veux plus y remettre les pieds. Mais déjà, je réfléchis à comment revenir ici l’an prochain pour me donner une autre chance."

Une course où la souffrance est la norme

L’histoire de Riley Sheehan n’était que le reflet des épreuves traversées par bon nombre de ses coéquipiers ce jour-là. Le Strade Bianche, avec ses chemins blancs imprévisibles, est une bataille physique et mentale où seuls les plus résistants franchissent la ligne d’arrivée.

Parmi eux, Nadav Raisberg, qui s’est retrouvé piégé sur le cinquième secteur de terre avec une crevaison. Contraint de grimper plusieurs kilomètres sur un pneu à plat avant de recevoir une roue de rechange, il s’est ensuite lancé dans une lutte désespérée contre le temps.

"C’est arrivé au pire moment possible," racontait-il. "À cet instant, tu ressens toute la force de la déception. Mais malgré tout, mon cerveau me disait de ne pas abandonner. Il fallait que je termine, sans excuse."

Raisberg a creusé au plus profond de lui-même, rejoint un groupe d’échappés, et a franchi la ligne à Sienne, 93e, à seulement une minute du délai maximal, 25 minutes après le vainqueur incontesté, Tadej Pogačar.

"C’était la journée la plus difficile de ma carrière sur un vélo," avouait-il après l’arrivée. "Et je n’ose même pas imaginer ce que j’aurais ressenti si, après tant d’efforts, je n’avais pas terminé."

Un chaos inégalé

Même Joe Blackmore, premier coureur de l’équipe Israel-Premier Tech à boucler la course en 30e position, après une performance prometteuse, admettait :
"Je n’avais jamais vécu un tel enfer. Mais malgré le chaos, je me suis senti à l’aise. Dans un an ou deux, je reviendrai encore plus fort."

Du côté du directeur sportif, l’Israélien Dror Pekatch, l’analyse était sans appel :
"Je n’ai jamais vu un chaos pareil, et j’ai connu Paris-Roubaix et les Grands Tours. Rien n’égale ce qu’on a vécu aujourd’hui. Après 100 kilomètres, on était bien placés avec six coureurs devant… Quelques minutes plus tard, c’était le carnage : des chutes en série, des vélos en l’air, des coureurs à terre, blessés. Du délire."

Mais dans ce sport, il n’y a pas d’autre choix que de se relever, de secouer la poussière et d’aller de l’avant.

"Blackmore a montré aujourd’hui quel talent il possède. Dans un ou deux ans, avec plus d’expérience, il sera un acteur clé de cette course. Quant à Nadav, lui aussi reviendra plus fort."

Déjà en route vers Tirreno-Adriatico, qui débute dès demain, Raisberg n’a aucun doute :
"J’ai hâte de revenir ici, de ressentir à nouveau cette douleur et cette souffrance. Quelle course incroyable !"

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