Romain Bardet : « Il est temps de vider ma valise pour de bon »


Après quatorze saisons dans le peloton professionnel, Romain Bardet s’apprête à tirer sa révérence sur les routes du Critérium du Dauphiné. À 33 ans, le leader de Picnic PostNL revient avec émotion sur les moments marquants de sa carrière et évoque sa dernière course avec une sincérité désarmante. Entretien avec un coureur lucide, apaisé, mais toujours animé par la passion.

Romain, sentez-vous que l’heure des adieux approche ?

Oui, je sais qu’il ne me reste que huit jours de course, si tout se passe bien. Mais je suis à l’aise avec cette idée, parce que j’ai pu tout organiser à ma manière. Le Critérium du Dauphiné est une course que j’aime profondément, je suis très heureux de pouvoir y faire mes adieux. La dernière fois que je l’ai couru, c’était en 2020 dans un contexte particulier avec une édition réduite. Y revenir aujourd’hui, dans de telles conditions, c’est parfait.

Le Giro vous a échappé une nouvelle fois. Quel regard portez-vous sur cette dernière participation ?

Mon niveau était bon cette année, mais je n’ai pas réussi à concrétiser. Je suis passé plusieurs fois tout près, quatre fois deuxième sur mes différentes participations. Mais je n’ai pas de regrets : je n’ai plus l’explosivité ni l’audace qui faisaient ma force à une époque. Je suis en paix avec cette réalité. Je voulais faire ce dernier Giro parce que c’est un grand tour qui m’a toujours laissé des opportunités. C’était un choix de cœur, comme le Dauphiné.

Pourquoi ce choix justement de raccrocher sur cette course ?

Le Dauphiné a toujours été une épreuve spéciale pour moi. J’y ai vécu mes premières grandes émotions : en 2014 avec cette étape incroyable vers Courchevel, en 2015 avec ma première victoire à Pra-Loup, ou encore mes podiums au général en 2016 et 2018. Ce sont des souvenirs puissants. Et puis c’est une course qui me correspond : plus courte, mais très engagée, souvent imprévisible. Elle m’a toujours réussi.

Vous parlez souvent de cette étape de 2014 à Courchevel comme d’un déclic…

Oui, c’était ma première vraie prise de conscience. Une étape débridée, où tout part dans tous les sens… et j’adore ça ! C’est à ce moment que j’ai compris que j’aimais le cyclisme dans cette forme-là : instable, nerveux, indécis. Le Dauphiné permet ce genre de scénarios. Sur le week-end final, tout peut basculer.

Pra-Loup en 2015, c’est votre première grande victoire. Quelle importance a-t-elle eue ?

Énorme. Elle m’a donné confiance, m’a lancé. Elle m’a aussi montré que je pouvais gagner avec panache, en attaquant de loin, en prenant des risques. C’est comme ça que je voulais courir. Cette étape a été un tournant, tout comme celle de Saint-Jean-de-Maurienne sur le Tour cette même année. Ce sont mes victoires préférées.

Avez-vous un regret de ne pas avoir gagné le Dauphiné ?

Pas vraiment. En 2016, j’ai frôlé la victoire au général. Il m’a manqué douze secondes… C’était frustrant, mais cette course m’a aussi beaucoup apporté. Contrairement au Tour où les émotions montent et descendent pendant trois semaines, le Dauphiné m’a toujours laissé un bon souvenir.

Sur cette édition 2025, vous voulez jouer à fond votre rôle de chasseur d’étapes ?

J’aimerais, mais il faut être lucide. L’enchaînement Giro-Dauphiné est compliqué, la récupération est la priorité. Et la start-list est exceptionnelle. Si une opportunité se présente, j’essaierai. L’étape de Combloux me semble la plus ouverte pour tenter quelque chose.

Vous allez vivre un moment fort à Brioude. Qu’en attendez-vous ?

Ce sera forcément émouvant. Je connais les routes par cœur, notamment la côte de Nonette, où je m’entraînais déjà à 12 ans. Mon père y emmène aujourd’hui les jeunes du club local. C’est une belle manière de boucler la boucle.

Et après Val Cenis, que ferez-vous ?

Je vais vraiment poser ma valise. Elle est toujours prête depuis quinze ans, entre les stages, les courses… J’ai envie de m’ouvrir à autre chose, d’avoir un quotidien qui ne tourne plus autour de l’entraînement. Le vélo restera dans ma vie, mais différemment. Ce sera une nouvelle aventure.

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