À quelques jours du départ du Tour de France Femmes avec Zwift 2025, la pression monte pour les 154 cyclistes prêtes à se disputer les étapes les plus exigeantes du calendrier. Mais derrière les watts, les plans d’entraînement millimétrés et les ambitions affichées se cache une autre réalité, souvent absente des récits médiatiques : celle du cycle menstruel.
Une variable physiologique souvent taboue
Crampes, douleurs lombaires, troubles digestifs, fatigue, baisse de la coordination… toutes ces manifestations liées aux menstruations peuvent survenir chez les athlètes, et en pleine compétition. Une réalité que connaissent trop bien les coureuses, même au plus haut niveau.
« Il nous est toutes arrivé de débuter une course le jour même où les règles arrivent », confie Monica Greenwood, ancienne coach de l’équipe féminine britannique. « Et souvent, cela tombe pile au moment de notre objectif de l’année. »
Comprendre son cycle pour mieux performer
Pour certaines, ce que l’on considère souvent comme un handicap pourrait en réalité devenir un levier de performance. C’est le message porté par Demi Vollering (FDJ-SUEZ), lauréate du Tour de France Femmes 2023. Dans une publication Instagram devenue virale, elle appelait à considérer le cycle féminin comme une donnée stratégique, et non comme un simple “problème” à ignorer.
« Il y a des jours où tout semble plus difficile : motivation, coordination, énergie. Mais d'autres phases du cycle apportent un vrai coup de boost : meilleure récupération, moral au beau fixe, jambes puissantes. C’est un rythme que l’on peut apprendre à utiliser. »
La science en renfort
Des recherches comme celles menées par le UK Sports Institute viennent désormais étayer ce que des générations d’athlètes ont ressenti sans pouvoir l’expliquer. Leurs travaux montrent notamment que :
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L’œstrogène réduit le risque de blessures musculaires, mais augmente la raideur des tissus conjonctifs, exposant davantage aux blessures articulaires (comme les ruptures du ligament croisé antérieur – un fléau chez les footballeuses).
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Les besoins nutritionnels varient au fil du cycle : plus de protéines en période menstruelle, plus de glucides dans la phase lutéale, utilisation accrue des lipides lors des phases hautes en œstrogènes.
Entraînement & alimentation : vers une approche individualisée
L’équipe féminine britannique sur piste est l’un des exemples les plus parlants. En adaptant les entraînements au cycle de leurs coureuses, en particulier en période de vulnérabilité ligamentaire, elles ont réduit le nombre de jours d’absence pour blessure de plus de 400 à… 1. Un bouleversement logistique, mais un gain considérable en efficacité.
Cependant, toutes les sportives ne souhaitent pas ajuster leur programme à leur cycle.
« Beaucoup de cyclistes trouvent intéressant de comprendre pourquoi elles sont plus fortes ou plus fragiles à certains moments », explique Greenwood. « Mais elles ne veulent pas pour autant "réduire la charge" : ce serait comme abandonner. »
Une libération de la parole en cours
Dans un sport encore dominé par des normes masculines, cette volonté de "tenir bon quoi qu’il arrive" est compréhensible. Mais les mentalités évoluent. Le simple fait que des championnes s’expriment sur le sujet change la donne pour les plus jeunes.
« Voir les meilleures du peloton parler librement des règles, ça change tout », explique Greenwood. « Cela permet à des jeunes filles d’aborder le sujet sans gêne, même avec des entraîneurs hommes. »
Briser les freins culturels
La honte associée au corps féminin, les tabous autour du sang menstruel ou la taxation des protections hygiéniques ne sont pas étrangers à ce silence. Pire : les troubles hormonaux comme le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), l’endométriose ou l’aménorrhée hypothalamique sont encore peu diagnostiqués, peu documentés, et rarement pris en compte dans les structures d’entraînement.
Repenser l’entraînement féminin
Le sport de haut niveau, et en particulier le cyclisme, commence à peine à reconnaître qu’un programme d'entraînement “universel” n’est pas forcément optimal pour les femmes. Adapter la préparation physique au rythme hormonal n’est pas un signe de faiblesse – c’est une opportunité stratégique.
Alors que le peloton féminin s’apprête à en découdre sur les routes du Tour de France, certaines coureuses devront non seulement gravir des cols, mais aussi affronter les effets silencieux de leur cycle menstruel. Un combat invisible, mais bien réel.
Comme le résume Vollering dans son message :
“Parfois, on a encore l'impression d'être dans un labyrinthe. Mais en parler, c'est déjà une porte de sortie.”
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