À l’heure dite, fidèle à sa réputation, Jonathan Castroviejo apparaît sur la terrasse du café situé derrière sa maison de Getxo. Le chronomètre a toujours été son meilleur allié. Encore vêtu de sa tenue de cycliste, il sourit : « J’avais une autre interview à Gernika, j’en ai profité pour faire un tour ». Désormais, Castroviejo roule pour le plaisir, sans programme, sans pression.
À 38 ans, le Biscayen a tourné la page d’une carrière professionnelle de près de vingt ans, exemplaire par sa régularité, sa loyauté et son abnégation. Six titres de champion d’Espagne du contre-la-montre, un titre européen, une médaille de bronze mondiale, onze victoires, toutes en chrono, et surtout six Grands Tours remportés en tant qu’équipier clé : un palmarès discret mais immense.
Dire adieu à la pression
« Je vis plus tranquillement », confie-t-il. « La compétition apporte une pression constante. Aujourd’hui, je m’en suis libéré ». Une décision longuement mûrie. S’il se sentait encore performant – notamment lors de son dernier Giro – Castroviejo savait que le moment était venu. « Souffrir n’est plus agréable. Le cyclisme va de plus en plus vite. Avant, on souffrait parfois. Aujourd’hui, c’est tous les jours ».
Sans regret, il savoure désormais une vie plus simple, rythmée par le sport, la musculation, la course à pied… et surtout par sa famille. « Mon vrai objectif aujourd’hui, c’est d’être présent pour mes enfants ».
Le luxe d’être un homme de l’ombre
Plus que ses propres succès, Castroviejo a bâti sa légende dans le service rendu aux leaders. Geraint Thomas, Egan Bernal, Chris Froome, Nairo Quintana, Alejandro Valverde… Autant de champions pour lesquels il a été un pilier.
« Quand tu es le dernier équipier encore en course, tu sais que tu dois répondre présent ». Il se souvient notamment du Tour 2019, lorsqu’il dut contrôler une échappée presque seul pour préserver la victoire de Bernal, ou encore du Giro où sa présence fut décisive dans les moments-clés. « Ces victoires, je les ressens comme les miennes ».
Sa carrière illustre une évolution rare : celle d’un pur spécialiste du contre-la-montre devenu l’un des meilleurs lieutenants de montagne du peloton mondial. « Peut-être que j’ai perdu des années à ne penser qu’au chrono, mais je suis fier du chemin parcouru ».
Une figure en voie de disparition
Castroviejo le constate avec lucidité : le rôle du grand équipier se perd. « Aujourd’hui, tout le monde doit marquer des points, se montrer. Cette figure de l’homme entièrement dévoué au leader est en voie d’extinction, et c’est dommage ».
Il quitte pourtant le cyclisme en paix avec lui-même, convaincu que le sport est aujourd’hui mieux structuré, plus sûr, plus professionnel, même s’il regrette parfois le romantisme d’antan.
« Je n’ai pas d’urgence pour la suite. Je veux faire quelque chose qui me plaît vraiment ». En attendant, Jonathan Castroviejo profite. Il a mérité ce temps suspendu.

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